C'est un rêve.

Poème.

Les_mots _sons
2 min ⋅ 18/04/2024

J'étais allongée là, depuis bien trop longtemps, dans ce lit qui me refusait, à chercher un sommeil qui ne me supporte pas. Malgré la camisole disparue du creux de ma paume pour rejoindre mes tréfonds, je tournais sans relâche, et retournais encore, malmenant la couette, haïssant les draps qui m’égorgeaient trop fort, martelant ce matelas aux crocs acérés qui dévorait mon corps, je pestais contre le monde entier qui me châtiait de ne trouver le repos. J'ai eu envie de te rejoindre. Un besoin irrépressible de me sentir près de toi, là où le refuge m’étreint. Tu étais assis sur le plancher d'un belvédère, les jambes dans le néant qui se balançaient. À regarder la vie, la vie qui se fanait sans nous, qui nous tendait les bras, qui nous mettait à genoux. Tu contemplais le paysage, l’horizon qui flamboie, silencieux, les lèvres scellées, gercées de ce qui se tait qu’on ne partage que du bout des pensées. Je me suis approchée, légère, tu as souri de tous tes yeux, avec la bouche, avec le cœur. Toi aussi tu devais chercher la nuit, le sommeil qui enveloppe et qui guérit. Je me suis installée à tes côtés, rassérénée. J'aimais assez cette sensation de rien, tout cet abandon sous mes pieds qui allégeait ma poitrine. Cette lévitation douce comme ton rire qui résonne. Voler. Juste un instant.

Tu as mis ta main dans la froidure de la mienne, elle était chaude. Rassurante. Et nous avons admiré le massif qui s’étendait. Le soleil au couchant offrait à la vallée une clarté stupéfiante. La cime des montagnes, magistrales, grignotait le ciel sanguinolant. Pas un bruit. Juste le son régulier de nos souffles en harmonie. Accord parfait. L'air était glacial, mais nous n'avions pas froid. L’atmosphère comme du velours nous capitonnait. Elle nous prenait dans le molleton de ses bras. La neige qui s’éternise vêtait le paysage d'une robe cristalline. Pureté au fond de l’œil jusqu’à l’âme râpée. C’est l’été que nous aimions. C’est l’hiver qui nous habitait. Ton bonnet emprisonnait tes boucles brunes, mais je les devinais. Indomptables et fougueuses. Tu t'es tourné vers moi et dans tes yeux de lacs j'ai lu « ça va aller ».

Oui. Ça va. Aller.

Je me suis endormie là, au milieu des montagnes, la tête sur ton épaule. Amarrée à ton bras. Bercée par la bise des abysses qui logeaient dans nos ventres et par celui de l’air qui nous embrassait. Nos rythmes cardiaques dansaient en cadence. Un. Deux. Trois. Un. Deux. Trois. Respirez. Vivez. 

Tu étais là. Et je pouvais te toucher. 

On était là. Assis sur la même fréquence. 

Au bord de nos rêves sombres. 

Être vide avec toi, ce n’était pas pareil. 

Les_mots _sons

Par Raphaëlle Mara

Raphaëlle Mara, je suis professeur de Lettres dans le secondaire depuis une quinzaine d’années. J’ai publié un premier roman, Amaisadís, aux éditions Ozril, en octobre 2022. Passionnée de littérature, je suis une grande lectrice. Je lis, partout, tout le temps. Et quand je ne lis pas, j’écris.

J’écris des romans, des textes courts, des essais, de la poésie. Je m’inspire de ce qui m’anime, de ce qui m’entoure, des émotions qui m’assaillent et m’étreignent. Écrire est l’occasion pour moi de chercher à répondre aux questions qui me bousculent, de m’interroger sur les sujets qui me touchent.

L’écriture commence, à mon sens, par ce quelque chose qui titille, une espèce de gêne au fond du ventre qui pousse à mettre des mots, pour tenter d’expliquer, de comprendre, de dénoncer. L’écriture, pour devenir plus. Et aussi pour être aimée.