Poème
Si tu croises Timothée, boulevard Beaumarchais, dis-lui que j’ai toujours ce roman à lui rendre, que j’ai gardé entre ses lignes les mots qu’il avait griffonnés, qu’ils me servent de marque-page, marque page scellée. Que j’ai arrêté la lecture en même temps qu’il a disparu, que j’attends de reprendre mon souffle pour encaisser la suite. Que la fleur coincée page 216 troisième alinéa a séché bien à plat mais qu’elle ne sait plus elle-même pourquoi elle était là.
Dis-lui que j’ai coupé mes cheveux et égaré mon blond que c’est désormais le sel qui dicte le tempo, que les jours qui s’écoulent marquent leur empreinte au coin de mes yeux bleus, que je ne dors pas mieux et que je cherche encore quel chemin me sied le mieux.
Dis-lui que j’ai toujours le même numéro de téléphone, les mêmes yeux noyés lorsque la nuit tombe, que j’ai rêvé de lui, et qu’on se retrouvait, sur la cime des montagnes qui caressaient nos ciels et qui promettaient monts tant pis pour les merveilles, j’ai arrêté d’y croire depuis que le silence explose, et que mes mains tremblent de l’absence et du vide. Dis-lui que je n’ose plus dès lors fermer les yeux, que je tourne en rond, depuis qu’il s’est tu.
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