Elle aimait lire ma mère.
Elle aimait lire ma mère.
Des livres, il y en avait partout. Des piles sur les escaliers, au pied de son lit, sur le piano, sur la table de chevet, en équilibre sur le vaisselier. Je crois que ça la rassurait de les avoir là, tout près. Que ça aurait été trop difficile pour elle de s’en séparer. Comme s’ils avaient été les fondations de la maison dans laquelle elle vivait.
Elle ne les rangeait pas, jamais, je veux dire, même ceux qu’elle prenait soin de glisser sur l’étagère, n’avaient pas de place prédéfinie, attitrée. Elle ne s’appliquait pas à les aligner par ordre alphabétique, par couleur, ou par titre, non, elle les posait là comme elle pensait qu’ils seraient bien, les changeait de rang, de hauteur, de voisins, en fonction du jour, en fonction des saisons, en fonction de ses émotions, mais jamais elle ne les classait. Jamais. Elle refusait leur immobilité. Cette idée d’ordre, de permanence la chiffonnait. Je crois qu’inconsciemment, elle avait peur de les blesser, comme s’ils avaient une âme et pouvaient se trouver tristes d’être relégués sur la planche du bas.
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